jeudi 12 février 2009

Salves vaticanes

Une éclipse du Saint-Esprit. Ou un sursaut, tout dépend de l'angle de vue. L'on avait déjà eu du mal à comprendre son auguste Pardon; la nomination de l'évêque auxiliaire de Linz qui déclara à propos du tsunami de 2004, "c'est un châtiment divin", continua d'exaspérer. La colère devait donc éclater : "comment peux-tu dire ça ! C'est pas Dieu, c'est la nature qui nous joue des tours, reconnais-le !", "oui, c'est ce que je dis, chez nous, la nature, ça s'appelle Dieu"...

Les fâcheuses interprétations religieuses ! Après les séismes d'Izmit et de Düzce en Turquie (1999), un imam s'était également "égaré" : "c'est Dieu qui agit, calmez-vous, revenez au droit chemin, ya Allah, estagfirullah", "mais nan, ignorant, la science nous dit que..." Les gens s'en étaient remis tout de même aux religieux. Plus réconfortant que des calculs et des cartes de sismicité. Si bien que l'on avait pu voir des scènes pour le moins insolites : des fronts qui ne se levaient plus, des chapelets jalousement tenus en main, l'apprentissage accéléré du Coran, etc. Même mon oncle qui, dit-on, n'est pas très à l'aise avec les choses religieuses (un ancien de 68) avait, à ma très grande surprise, des balbutiements qui, à les écouter de plus près, s'apparentaient à des prières. "Non ! Toi ?", "le Jour approche, fiston"... L'homme n'est rebelle que par fanfaronnade; la moindre secousse le jette dans le giron de la sacralité la plus proche. Un réflexe qui ne s'invente pas... "Chaque fois que tu tombes malade, tes désirs et tes ambitions perdent de leur force et toi, tu te construis une maison de repentir" dixit Rûmi.

Le Très Saint-Père aurait encore, divagué. "Assassins" s'est-il emporté contre ceux qui ont laissé mourir la jeune femme; une émouvante histoire de fin de vie. 17 ans dans le coma, un père et une Cour de cassation inconsolables et un clergé toujours aussi froid, inhumain, trop religieux. Voilà qu'il se met à défendre la vie, maintenant ! "Comment oses-tu ? Invente des exceptions !" Chacun avait la larme à l'oeil; même le fringant Berlusconi en était touché : "allez Napolitano, signe, vieillard sénile !", "jamais, tu m'entends, jamais, elle doit mourrir !" Le camp "laïque" avait même applaudi le Président de la République : "c'est bien, t'es resté communiste jusqu'au bout, pas de courbette devant le Pape".

Chacun invoque la dignité de la personne humaine. "Elle doit vivre, on ne part pas comme ça, Dieu lui a donné une dignité", "ouais ouais, elle doit mourrir car elle le veut, et c'est ça la dignité, éviter la dégradation". Une personne diminuée ou handicapée étant considérée comme indigne de vivre, car trop exact, trop authentique, trop immonde. L'impureté du monde profane. L'on vit à une époque où il est bon de cacher toutes les manifestations de notre humanité; une époque qui ne veut jamais voir le visage froid de la mort. Out la douleur, la vieillesse, la tristesse.

Et le lobbying est forcément nuisible quand il émane d'une force spirituelle. L'Eglise fait surtout exaspérer ceux qui ne la suivent pas, avec son principe "négatif" : non à tout : euthanasie, avortement, divorce, contraception, union homosexuelle, procréation assistée, etc. Tout ce que l'époque moderne a de plus moderne. D'ailleurs, on avance à tatons en France : "pas d'euthanasie chez nous hein, mais ceux qui la pratiquent peuvent espérer la clémence de la justice". Les jurés pleurent en choeur et la justice se désole tellement qu'elle avait pu pondre, l'an dernier, une ineptie : une mère avait tué sa fille par pitié, en la noyant, et avait bénéficié d'un acquittement ! Heureusement que la cour d'appel s'est ressaisie et a prononcé deux ans d'emprisonnement; avec sursis, bien sûr, pour la galerie...

"Peut-être la véritable dignité consiste-t-elle à porter sa croix jusqu'au bout..." (Gilles Lebreton). Un simple avis. Ni oukase, ni conseil. Un testament.