samedi 14 février 2009

Embrasements

La plus ferme dénonciation vient, cette année, de l'Inde où les hindous extrémistes ont juré de caresser, à leurs manières, les amoureux. Une bonne rossade, a-t-on décidé. Mieux : les enlever au temple pour les marier de force. Pour en faire de vrais amoureux du coup, des mariés. "Euh, je ne voulais pas vraiment m'engager dans...", "tais-toi, hérétique sauvage, tu vas l'épouser, le désir s'assouvit et s'éteint dans le mariage chez nous !" L'amour et le mariage, un vaste sujet. A une époque où tout s'est déréglé : sexe sans mariage, sexe sans amour, bébé sans sexe, sexe sans bébé, etc.
La méfiance et le rejet traditionnels relèvent, cependant, de l'aire arabo-musulman. "Attends, à mon tour". Un cheikh égyptien aurait décrété dans un cours désormais ordinaire d'asepsie morale : "bande d'affamés ignobles et occidentalisés, n'attrapez pas le virus de la Saint-Valentin, c'est pire que le sida et le choléra". Bien. Toujours cette crainte de sombrer dans le relativisme de la tradition islamique; la peur de l'influence corrosive du concurrent. Souvenez vous l'an dernier, la gaule contre la rose en Arabie Saoudite. Et voilà que le Roi d'Arabie nomme une femme au gouvernement; vice-ministre de l'éducation; Sa Majesté Abdallah, voyons, celui qui avait reçu le prix de la tolérance de l'Institut Lech Walesa...
Mais bon, les théologiens musulmans ont leurs raisons, tant le sentiment amoureux s'est perverti; et ils ont peur, on l'a dit : "nous rejetons tout ce qui émane de l'Occident sale et pervers; nous, nous aimons 365 jours, et nous aimons d'un amour le plus pur, pas le vôtre, le plus vil, le plus diminué, le plus bestial". Et toc. Le bon vieux temps où la Saint-Valentin prenait les allures de marché turbulent de l'offre et de la demande étant révolu, la critique peut sembler sévère. Ce que l'imam veut, Dieu le veut; probablement.
Dans l'imaginaire musulman, cette journée spéciale des tourtereaux est perçue comme l'acmé de la concupiscence débridée qui caractérise si bien les sociétés occidentales, évidemment. Comme si cette journée ne concernait que les libidineux ou correspondait à la date d'ouverture du marché des libertins et des catins; "mais tu vis où, pauvre puceau, c'est leur slogan : plaisirs de Bacchus et Comus puis plaisirs de Vénus, bonne chair puis chair, hein !" Plaisirs génésiques, hédonisme... "Dans le cadre du mariage, tu fais ce que tu veux, on s'en bat". Ghazâli l'avait mieux dit : "[en goûtant au plaisir du rapport amoureux], l'homme peut se représenter les délices de l'Au-delà" (dans son livre "Des vertus du mariage").
Souhaitons un amour pur et sûr à tous nos amis. Toute personne qui aime, aspire au Paradis. Au moins, on le sait.