mardi 24 février 2009

Macabrerie

Voilà donc une bonne nouvelle : "les autorités sanitaires de Mexico tirent un bilan positif de la loi qui a dépénalisé l'avortement jusqu'à douze semaines de grossesse - une expérience pionnière en Amérique latine". Il y a, en effet, moins d'abandons. Grâce à l'avortement. On n'abandonne pas. Il n'y a rien à abandonner. On tue dans l'oeuf. Moins de paperasse, moins de picailles dépensées, moins de mères à consoler, moins d'enlèvements de mineurs.

On le sait, en France, l'avortement n'est permis que pour soulager des "détresses". Une exception au droit à la vie : l'article 1er de la loi du 18 janvier 1975 est on ne peut plus clair : "La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi". Détresse, détresse, le sésame. Les gueuses n'avaient d'autre choix que d'abandonner leurs poupons et c'est la collectivité qui casquait. Détresse de la mère, détresse du petit, détresse de la Nation. Les vagissements se mêlaient. Une charge émotionnelle. Désormais, il n'y a que des contents; enfin presque puisque la "détresse" de la "mère" reste le critère. Toujours inconsolable.

Mais allez faire comprendre : la masse croit qu'il s'agit d'un droit fondamental. Un droit de la femme à disposer de son corps; si bien que la notion de "détresse" commence à englober tout et n'importe quoi : "mince alors, j'ai oublié de mettre le préservatif; dans le feu de l'action, tu comprends...", "eh puis, j'ai pas envie de prendre du poids", "ouais, on est trop jeunes"... L'ère de la frivolité. On veut fuir le sérieux, rester enfantin, être léger, sans soucis, sans encombrement. Irresponsables.

Je ne suis pas femme. Je ne connaîtrai jamais le sentiment d'être mère; mais enfant, on a bien compris qu'il est indescriptible. Un amour sans pareil, sans contrepartie, à perpétuelle demeure. "Alors, p'tit malin, comment oses-tu dire des femmes qu'elles avortent par plaisir, hein ! Avoue qu' tu provoques". Et on tresse de fausses indignations. Détresse.

Il faut dire que le Pape résiste crânement : ni contraception ni avortement. Même son vieil ami, Hans Jüng, n'arrive pas à le convaincre; "allez, laisse les gens utiliser pilules, préservatifs et autres, il n'y a pas meurtre puisqu'il n'y a rien !", "dégage, toi aussi, on ne fait l'amour que pour avoir des bébés chez nous, j'vais t'le dire combien de fois !". Et quand les Africains meurent du Sida, on tourne les yeux vers le Vatican : "va au Diable avec tes principes". Comme si le Pape retenait physiquement les gens pour ne pas qu'ils utilisent les moyens de contraception. Sorte de "contrainte morale" de sa part; ils attendent toujours la "fatwa".

Les droits-de-l'hommistes non plus ne savent pas trop qui défendre; la Cour européenne balbutie toujours, rien à se mettre sous la dent : « la Cour ne sous-estime pas l’importance accordée par l’Etat portugais à la protection de la législation en matière d’interruption de grossesse telle qu’applicable à l’époque ainsi qu’aux principes et valeurs qui la sous-tendent » (Women on Waves c. Portugal, 3 février 2009). La Ligue des droits de l'Homme défend l'avortement mais rappelle le droit à la vie, on n'y comprend plus rien. Les féministes se perdent dans des explications philosophiques, liberté, égalité, dignité, etc. Inégalité, c'est vrai; l'homme ne fait que "déposer"; le reste, ça se passe chez la femme. Et d'ailleurs, la justice nous dit bien que "le fait de concevoir un enfant contre la volonté du mari ne constitue pas une cause de divorce" (Cour d'appel de Caen, 5 janvier 2006). Liberté chérie.

Les folies finissent toujours par avoir raison. Irlande, Pologne, Malte, et autres finiront par tomber. Il y a une sorte d'évolution dégénérative inexorable; la hardiesse devient la normalité dans le domaine des moeurs; les attentats à la morale deviennent des actes de bravoure. L'on s'émancipe. Un noble mot, l'émancipation. Au moins, l'on connaît la fin du cheminement : les incartades ont été créées pour amener l'Apocalypse. La "poliorcétique" s'affermit et les hôtes regardent ailleurs : pas de fin sans début. Freiner, entraver, obstruer ne sont que des mots. Maux contre mots, ce qui nous reste. Et à rebours, on s'y emploie. Verba volant, scripta manent. Une simple histoire de preuve pour le Grand Procès.