mercredi 9 juillet 2008

Audaces et gâteries des juges : une histoire de chèvres

Silvio en a ras le bol. La justice ne se lasse pas de lui demander des comptes. Son argument est simple: "je suis Premier Ministre, je ne peux pas perdre mon temps à comparaître, il faut peut-être que je gouverne, moi, bande de cruches !". La solution coule donc de source: une belle immunité judiciaire. Tout ça dans la dentelle bien sûr: alors, on ajoute à liste des "immunisés" le vieux Président de la République et les Présidents des Chambres. Toujours fringant.
Les "coups d'Etat judiciaires" sont à la mode: avorté au Pakistan, implanté récemment en Turquie, virtuel en Italie. Il a raison, il faut défier la "canaille judiciaire"; le peuple l'a bien récuré, son "Cavaliere", pourquoi donc s'acharner ? Le code pénal "saute" lorsque le peuple se prononce... Bien sûr, les folliculaires et les juges gâchent toujours son plaisir.
Alors que Berlusconi déblatérait contre ses "épines", la Cour européenne a rendu un arrêt pour le moins original: l'histoire en est ainsi: un député turc, apparemment débonnaire, n'avait pas réussi à faire lever son immunité par ses collègues (qui, sans doute, ne voulaient pas installer une coutume en la matière) pour pouvoir comparaître en honnête citoyen devant la justice pour une affaire liée à ses activités d'avant la députation. Pour une fois que l'on avait un député turc qui refusait cet ensevelissement légal, le juge européen ne nous a pas déçus. Le Séraphin a eu gain de cause: les juges estiment que la Turquie a violé son droit d'accès à un tribunal. Cavaliere là-bas, Paladin là-haut...
Jadis, le Juge Roland Dumas, lui-même embarrassé par une historiette mêlant sexe et argent, aurait été à l'origine de la fameuse décision du Conseil constitutionnel sur la responsabilité pénale du Chef de l'Etat en 1999. En gros, Chirac est responsable de ses incartades intervenues antérieurement à ses fonctions mais seulement devant la Haute Cour de Justice, une instance justement difficile à mettre en mouvement. Donc privilège (et comment !) de juridiction mais pas immunité judiciaire. Heureusement, la Cour de Cassation avait rétabli une lecture plus "sensée" quelques mois plus tard: "non, non, coco, il ne peut être jugé pour les actes commis antérieurement à ses fonctions qu'après son mandat et entre-temps, la prescription est suspendue". Donc immunité judiciaire et non privilège de juridiction. C'est du droit. Une aventure.
A la réflexion, je me demande si l'immunité n'est pas un mal nécessaire; mal car contraire au principe d'égalité et nécessaire car souci de la continuité de l'Etat. C'est vrai que les "vice-" ou les "adjoints" servent justement à prendre le relais dans ces moments-là mais chut. Les "démocratistes" n'ont d'yeux que pour les électeurs: face aux juges qui se proposent gentillement de presser l'éponge, nos fanatiques de la démocratie rouspètent: "il est élu, bon dieu, comment osez-vous ? Il est oint. Allez, file l'éponge au peuple". Et lui, comme d'habitude oublie. Morale de l'histoire: faites de la politique, on ne vous aura jamais; ça'l fait pas.
Le jour où les Donald Rumsfeld, les princesses arabes qui se déplacent dans les hôtels européens avec leurs esclaves, les dictateurs du monde entier qui font gentillement escale dans des pays dits "démocratiques et respectueux des droits de l'Homme" seront inquiétés, ne serait-ce qu'une seconde devant un juge ou un policier tremblotant à l'idée de "déchirer" les relations diplomatiques de son pays, nous serions ravis de défendre bec et ongles le principe de l'immunité.
C'est si simple: oignez vilain, il vous poindra; poignez vilain, il vous oindra... Devenir chèvre ou ménager la chèvre et le chou : une tension qui ne doit plus être perçue comme cornélienne. Une mascarade éhontée.