samedi 28 mars 2009

Contingence

C'est sans doute une incongruité mais la question de la mort m'a toujours préoccupé; au sens premier du terme, en termes d'étude, d'analyse. Les fréquentes visites d'Azraël à la "maison" y sont sans doute pour quelque chose. Une seule certitude : la mort. Une probabilité : l'au-delà. Et à l'instar de Pierre Loti, c'est sans doute pour cette raison que je suis croyant; je n'arrive pas à imaginer que le visage de mon père ne puisse être qu'une "combinaison d'éléments susceptibles de se désagréger et de se perdre sans retour dans l'abîme universel" (Le roman d'un enfant). Absurde.


La Turquie avait retenu son souffle; un homme politique d'envergure venait de s'échouer sur une montagne à bord de son hélicoptère : Muhsin Yazıcıoğlu.

Le président d'une petite formation de droite nationaliste et religieuse. Aucune proximité avec ses idées, pour ma part. Mais il était respecté. Un de ceux qui ont encore une échine inflexible; en politique, chose rare. Il l'avait dit avant de s'envoler : "personne n'a la garantie de vivre dans les deux secondes qui suivent; à quoi bon être une girouette !" Après 48 heures de recherche, on a trouvé son corps; inanimé. On ne pleure pas dans les familles, mais tout comme. La Nation turque se désole.


Un étrange sentiment qui aspire notre énergie; on s'attriste parfois sans raison. J'ai ressenti ce même sentiment à la mort de François Mitterrand; encore jeune, assez jeune pour avoir une conscience politique, mais sa mort m'avait marqué. Pareille pour Hrant Dink; un journaliste turc d'origine arménienne assassiné pour d'obscures raisons. Je ne le connaissais pas trop, on le voyait de temps en temps en train de protester et défendre ses idées; tué en pleine rue. On n'avait pas pleuré dans les familles, mais tout comme. La Nation turque avait été écoeurée.


J'ai toujours pensé qu'il fallait savoir partir; vivre comme si on allait mourir demain, nous apprend la sagesse islamique. Prêt. Pas en catastrophe. Et la jeunesse n'est pas un bouclier; elle "fauche" en une seconde, la camarde. Fini. Rûmi parlait de "chab-i arus", le jour de noce; il allait rejoindre son Bien-Aimé : "le jour de la mort, quand mon cercueil sera emporté, ne croyez pas que j'ai quelque peine à quitter ce monde. Quand vous verrez mon corbillard, ne dites pas : 'Il part ! Il part !' car ce moment sera pour moi union et rencontre. Et quand vous me déposerez dans la tombe, ne dites pas : 'Adieu ! Adieu !' car la tombe est un voile qui cache la réunion au Paradis".


"Je ne crains pas la mort. Je préfère cet inéluctable à l'autre qui me fut imposé lors de ma naissance. Qu'est-ce que la vie ? Un bien qui m'a été confié malgré moi et que je rendrai avec indifférence" disait Omar Khayyam; et il a bien raison. Une seule certitude : la mort. Il faut savoir partir, la besace sur l'épaule. Et c'est terminé... "un vil insecte a paru puis disparu".