"Remplissez les églises, bande de cornichons ! Les musulmans débordent des mosquées, inondent les rues, envahissent les espaces, machallah !", aurais-je dit, franco, si j'étais Benoit XVI. "Y en a marre à la fin, on vous supplie de jeter ne serait-ce qu'un regard à l'église et on jure qu'on ne va plus vous toucher, allez, bougez-vous !". Je me serais emballé. Des gestes à la Jean-Paul II, une intonation à faire exploser les coeurs, des mots simples et des allitérations qui accrochent l'oreille. Et paf ! Rien ! La classique platitude. Certes dans un Parlement allemand qui est laid au plus haut point, il était bel homme. Mais le fond, toujours pareil. Canonique, poussiéreux, sibyllin. Tu m'étonnes que les gens préfèrent les églises évangéliques où on finit toujours dans une ambiance disco...
Quoi, c'est vrai ! Le "roi du Vatican" veut aguicher mais il n'y arrive pas; il est "trop pape". Les ouailles boudent, ils veulent des rabais; même le président de l'Allemagne aurait voulu batailler pour faire sauter l'interdiction de la communion aux divorcés-remariés (comme lui, évidemment). Le souverain pontife n'a pas cligné des yeux; il a sorti son vieux papier qu'il a écrit il y a un siècle, l'a lu, a parlé de Dieu et de ses immuables commandements. Un peu de concepts par-ci, un peu de théologie spéculative par-là. Et comme tout le monde n'a pas le niveau de Saint Augustin, bah ma foi, personne ne veut insister. Si bien qu'un chrétien "de routine" en arrive à demander à un musulman comme moi, "de routine" également : "en fait, chez nous, le Prophète, il est Dieu en même temps, c'est ça ?", "j'en sais rien écouuute ! Je n'y ai jamais rien compris, va demander à un curé"...
En tout cas, il a raison de gémir, Benoît XVI. Je le comprends. Il a une mission à remplir : garder le troupeau; il doit être alerte. Le Saint-Esprit l'a précisément choisi pour cela (même s'il a pris la méchante habitude de choisir un vieux lorsque son prédécesseur a assuré un long pontificat); et non pour qu'il passe les saisons dans différents palais. "Représentant de Dieu sur terre" certes, mais responsable des ressources humaines, aussi. L'agrandir aurait été tellement mieux d'accord, le troupeau je veux dire; mais on sait depuis longtemps qu'un pape n'est plus dans l'exaltation, il est sur la défensive. Celui-ci, particulièrement. Ça tombe bien, en France, d'autres "soumis" à Dieu (le même, rappelons-le) ne rentrent plus dans les mosquées, pleines à craquer. C'est la poussade. Elhamdulillah, aurait dit un provocateur. C'est que la robustesse de la foi musulmane n'est plus à démontrer, comme on le sait. Face à la tiédeur de la "foi" christiano-sceptico-athéiste. Du coup, on se demande s'il ne faudrait pas désaffecter des églises pour les "rebaptiser". Mais non c'est une blague, hihi ! Ne tremble pas...
C'est qu'ils avaient les rues, les musulmans. Ils les occupaient. Paisiblement. Alors, les journalistes se mettaient à photographier et filmer une horde de costumés-cravatés s'affairant à trouver un bout de tapis pour poser le front. Les vieux, alias "hadj", s'étaient déjà nichés dans un coin douillet, eux. Le jeune se love, par la force des choses, priorité au "sage". Celui qui n'entend plus, souffre d'une hernie discale, et a le luxe de patienter lorsque tout le monde se bouscule à la sortie. Eh bien dorénavant, tout le monde dedans. Non non, ils ne vont pas s'empiler ou se prosterner sur le dos des uns des autres (pratique acceptée quand une mosquée est bondée). C'est que les pouvoirs publics se sont démenés pour créer en moins de deux, des endroits disponibles. Merci Madame Le Pen qui s'était, comme on s'en souvient, attendrie de cette situation. Du coup, Monsieur le ministre de l'Intérieur et des Cultes, soucieux lui aussi qu'il est, du bien-être des musulmans, comme on le sait aussi, avait remué ciel et terre pour ravir salles, casernes et autres espaces vides. Comme quoi quand on veut... Et voilà qu'on apprend que le parlement grec a autorisé la construction d'une mosquée à Athènes ! Mon Dieu ! Qu'est-ce ? Une cascade de bonnes nouvelles ! Attachez les ceintures, la fin des temps approche. Délire aigu...
Les musulmans à qui il arrive de prier dans les mosquées, le savent. C'est un paradis et un enfer. "Enfer et mosquée, euh... !". C'est vrai. Il faut toujours périphraser quand on parle des religions. Mais j'insiste. Un paradis pour celui qui s'y sent bien et l'enfer pour le claustro et le délicat. Un ami uraniste m'avait dit un jour : "le paradis des mignons, c'est la mosquée". "Oh lo lo ! Le mécréant!" m'étais-je volcanisé. "Calme, calme ! T'as remarqué que la mixité des sexes est interdite en islam sauf à La Mecque, là où se trouve l'édifice le plus sacré, la Maison de Dieu ! Tout le monde se frôle, se touche, se bouscule dans la joie et la bonne humeur, non ?". Trop fort, évidemment, comme argument. "Quel intellectuel, tu es ! Mais c'est quoi le rapport avec...", "bah, c'est que Dieu est beaucoup plus flexible qu'on ne le pense, il nous crée des occasions pour se rincer l'oeil, c'est déjà ça !"...
Sans doute. Et tant mieux pour lui. En tout cas, mosquée signifie avant tout sérénité et concentration. Pas de statues, pas d'icônes, pas de talons, pas de chuchotements. On se souvient de cette mosquée dont le "design intérieur" avait été conçu par Zeynep Fadillioglu. Avec un mimber-toboggan et un mihrab-tréfonds, on se perdait en interprétations. Et on ne priait plus. "Alors oui, mon coeur, c'est la représentation d'un livre qui vient tout droit du Ciel (toboggan), profond (gouffre), lumineux (couleurs douces) et captivant (les pages du Coran sur les murs)". Ça s'appelle un commentaire d'image...
Mais avec tout le respect que j'ai pour mes coreligionnaires, je dois bien avouer qu'une mosquée "oecuménique" n'a aucune chance d'aboutir. Les Arabes et les Turcs n'ont pas forcément la même approche de l' "adab" à l'intérieur. Des convenances. Un Turc ne s'allonge jamais, n'y mange jamais, n'y papote jamais, n'y dort ô grand jamais !, ne tient jamais le Coran en-dessous de son nombril. Les Arabes sont plus "peinards". Du coup la "pollution visuelle" (ressentie comme telle, mille pardons) empêche tout rapprochement. C'est bien la raison pour laquelle, beaucoup restent opposés aux projets de construction portés conjointement par des associations arabes, turques, pakistanaises, noires, etc. Ça finit toujours pas capoter.
Bien. Merci donc à tous ceux qui ont réfléchi longuement pour créer des conditions dignes. Les mosquées pullulent, s'érigeront encore et encore et s'inscriront dans le paysage architectural français. Tiens, la mosquée des Ulis. Ou deux nouvelles mosquées au Havre. Ici, là-bas, là-haut. D'ailleurs, c'est un islamophobe qui tient le registre. Ça sert au moins à quelque chose... Il ne nous reste plus que le souci du minaret. Cette tour qui devrait être invisible ou "visible grâce à l'effort"; comme les illusions d'optique. Du genre, on s'installe face à ce "truc", on devine ce que ça peut bien être. Les architectes font des miracles, un minaret qui n'en est absolument pas un quand on regarde de loin et qui en devient un quand on y a pointé son regard de plus près. Mais les musulmans rabaissent souvent le caquet pour ne pas indisposer Monsieur le Député-Maire ou Monsieur le Préfet. Alors que c'est un droit qui découle de la liberté de religion (une des composantes de la laïcité, mille fois expliqué). Et non une provocation qui signifierait "la prochaine étape dans l'islamisation de la France". Dans un État laïque, les adeptes d'une croyance ne devraient pas se justifier, encore moins s'excuser, quand ils veulent construire un édifice conformément aux canons esthétiques de leur religion. Oui oui, je vais ressortir ma citation, la seule qui existe dans ce domaine : "Quand s'érigera, au-dessus des toits de la ville, le minaret que vous allez construire, il ne montera vers le beau ciel de l'Ile-de-France qu'une prière de plus, dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses" (Maurice Colrat). Pour l'amour du Ciel, n'est-ce pas beau ?