dimanche 21 juin 2009

Fêtes des géniteurs

Bien sûr, l'on nous impose, chaque année, ce refrain rabat-joie : l'amour des Pères ne peut se résumer à une seule journée; tout comme celui des Mères. Oui nous devons les respecter à chaque instant; les visiter et s'enquérir de leur bien-être. Bon. Promis.
Et un enfant est toujours ingrat; en tout cas il le devient pendant un certain temps. La période de la "dérive", celle qui s'étire de l'adolescence à la maturité pleine et entière. Lorsque le fils devient père, le père devient sage, c'est connu. Autant se gendarmer avec ses parents était une "connerie nécessaire", autant philosopher avec eux, passée la trentaine, serait une passionnante normalité. Un père parle avec un acteur qui, à ses yeux, reste toujours un gamin.
Evidemment, le père n'est pas aussi "sacré" que la mère. Il ne fait qu'assurer la vile "dépense" comme dirait Foucault. Un pur plaisir. D'ailleurs, je me demande si un homme se résoudrait à cet exercice s'il n'en retirait aucune saveur. Deux en un. Accessoire, sans doute. Mais une fois que le processus s'enclenche, primordial. Je ne suis pas père mais le mien était un formidable modèle pour comprendre la psychologie des pères. Je suis donc à mi-chemin entre théorie et pratique.
La mère, dis-je, est sur un piédestal, dans ma conception de la vie. C'est autre chose. La seule fidèle. Toujours subjective mais bon. J'avais lu une histoire : une fille très disgracieuse avait grandi dans la conviction qu'elle était très belle; sa mère lui rappelait à chaque fois qu'elle était la plus belle des filles. Et elle la crut. Mais peu à peu, à l'école, au collège, au lycée, elle se rendit compte qu'elle était loin de remplir les canons les plus élémentaires de la beauté. Elle en fut désespérée. Et très enfiellée à l'encontre de sa mère; la menteuse. Tellement malheureuse qu'elle préféra devenir aveugle pour ne plus se supporter; sa prière fut exaucée. Les premiers jours, elle était heureuse dans le malheur. Elle ne se voyait plus dans la glace. Mais petit à petit, cette infirmité la gêna dans la vie courante, elle n'en pouvait plus; et décida de se faire opérer pour recouvrer la vue, l'élément essentiel de la vie. L'opération se passa à merveille; lorsque le docteur lui tendit la glace et qu'elle se vit, elle tomba des nues. Elle était sublime. Affriolante. Le docteur lui avait donc fait une surprise en profitant de l'occasion pour faire une opération esthétique. Elle le remercia chaleureusement; le docteur ne comprit rien, il ne fit qu'ajouter : "nous avons juste fait une transplantation des yeux, c'est tout. D'ailleurs, c'est votre mère qui en a fait don"... Les yeux de la mère...
En Turquie, les parents sont à la tête de la pyramide; alors ils trônent à la maison. Dans d'autres pays, on préfère les envoyer dans des "maisons spécialisées" ou séparer les appartements. Car on aime la vie, avant tout. Alors s'occuper d'une vieille personne n'est pas un hobby. Alors, ils trouvent refuge auprès de leurs chiens et chats. C'est sans doute pour cette raison que l'on a eu cette formidable idée de leur réserver deux jours dans l'année; et séparés bien sûr, histoire de ne pas "subir" deux jours d'affilée. "Bonjour maman, tiens une rose, ça va ? Ouais ouais, allez, à dans deux semaines, on reviendra saluer papa aussi, là, on doit s'en allez sinon on va rater l'avion, on part en vacances, tu sais. Allez j't'embrasse..." Je suis peut-être trop fleur bleue. Il faut dire que l'on exagère toujours ce qui nous manque...