mardi 23 juin 2009

Vive la France ! Vive la République !

Voilà donc la logique poussée jusqu'au bout. La République française avait décrété, jadis, qu'il fallait soustraire les jeunes filles voilées à l'influence néfaste de leurs parents et frères; solution : les obliger à se dévoiler dans les écoles, collèges et lycées publics, histoire de les faire respirer un peu. Et après le lycée, le daron encore plus constipé que d'habitude, reposait gaiement le voile sur la belle tête de sa fille. Et tout le monde était content; on avait libéré les femmes au moins pour quelques heures...


Quelques parlementaires ont décidé d'aller un peu plus loin; ils vont créer une commission pour analyser la burqa, le voile intégral; la cage; le "sarcophage". Evidemment, ils ont immédiatement ajouté, afin d'éviter toute éventuelle bronca, qu'il ne s'agissait pas de discuter du voile classique. Il faut donc à nouveau sauver des personnes. En effet, les spécialistes nous disent que la majorité des femmes qui portent la burqa en sont contraintes et seules quelques unes la portent volontairement pour des raisons de "pratique radicale de la religion" comme dirait le Conseil d'Etat. Et le Président Sarkozy, le boute-feu de 2003, est également partant; "on pense aux musulmans et je voudrais dire qu'ils ont toute leur place dans la République; MAIS la burqa, c'est inacceptable; j'ai compulsé encyclopédies, Coran, recueils d'hadiths, dictionnaires arabes, dictionnaires d'étymologie, livres spécialisés, articles scientifiques, fait les prières nécessaires pour convoquer Mahomet dans mes rêves, rencontré les grands savants notamment mon pote Tantawi et j'en ai conclu qu'elle ne relevait pas d'une prescription religieuse; donc il faut l'interdire, cela va de soi". D'accord. Notre grand Mufti.


Cela dit, l'argument est mal choisi : a contrario, comme dirait un juriste, il ressort de ses propos que si la burqa était un signe religieux, il aurait pu être opposé à son interdiction. Le Président d'une République laïque a pu donc donner une fatwa : la burqa ne relève pas de l'islam. Avec quelle légitimité, personne ne le sait. La Cour européenne qui, comme on le sait, dit parfois des choses intéressantes sans forcément se sentir obligée de les suivre elle-même, estime que "le droit à la liberté de religion (...) exclut toute appréciation de la part de l'Etat sur la légitimité des croyances religieuses ou sur les modalités d'expression de celles-ci" (Manoussakis c. Grèce, 26/09/1996, § 47). Et je rappellerai, ayant consacré un mémoire sur le sujet, que les dissidents au sein d'une religion ont toujours le droit d'avoir une lecture différente des pratiques; cela s'appelle le pluralisme intra-religieux. Voilà pour la théorie.


Le postulat est simple dans l'islam, nous disent les savants : la femme est belle; très belle. Elle a été créée ainsi, elle attire. Les hommes aussi, évidemment. Mais la différence est que les femmes sont moins enclines à enquiquiner les hommes; on n'a jamais croisé un homme qui s'est fait violé par une femme. Quoique; l'on vient d'apprendre qu'une femme russe a "violé" dix hommes avec une méthode simple mais efficace : le somnifère. Mais ces braves n'ont pas porté plainte, évidemment. Quel homme en serait capable... Bref, la solution proposée serait donc la suivante : la femme doit mettre en avant non pas sa féminité mais son humanité. "Pfff, débilité tout ça, ça fait quoi si la femme met en avant sa féminité, tu vis où !" Rien, à proprement parler. Chacun son caractère. La religion n'est que conseil et comme Dieu connait sans doute mieux que quiconque ses créatures, Il ne fait que conseiller : ne vous faîtes pas "exploiter" par l'homme qui veut vous voir comme il le souhaite. Et cette conception n'a rien à voir avec une quelconque idée d'infériorité de la femme, au contraire c'est pour la préserver du regard concupiscent disqualifiant sa personnalité au profit de son "image". "Attends un peu mon cochon, on est pas des objets, nous !", "bah, aux yeux de l'homme, vous demeurez avant tout un corps. On est d'abord frappé par le corps, non ?" Freud l'avait dit, aussi : une loi de la nature... "Vous venez de quelle planète ?", "j'ai toujours était nullle en philo", "Et l'amour courtois, cela ne vous dit rien ?"


En réalité, la femme vit pour plaire; il suffit de jeter un coup d'oeil rapide, évidemment, sur sa vêture, tout est court et on n'a jamais croisé un homme sérieux porter un pantalon qui s'arrête au niveau de ses genoux ni une chemise dont le haut suit le contour de ses pectoraux. On n'en est pas encore là, en tout cas. Ce n'est pas qu'il n'a rien à montrer, voyons; ce n'est pas la "tradition", c'est tout. Alors que pour une femme, c'est normal; il faut voir un bout de sa chair; tout le monde ne s'habille pas comme Elisabeth Badinter, une vraie féministe pour le coup. Et comme par hasard, ce sont les femmes qui se maquillent; l'industrie du cosmétique ne s'en plaint pas. Et les pauvres hommes sont toujours "costard-cravate"; même en été. Le désir se mêle à l'imagination. Dans son élan, un imam assez réputé en Turquie, Mustafa Islamoğlu, disait : "le voile, c'est la première maison de la femme; et sa maison, c'est son deuxième voile" ou encore "en Occident, le vêtement, c'est la seconde peau de la femme, elle s'habille pour attirer, pour exciter"; il faisait naturellement un lien entre lascivité et viol. C'est son avis. La Suède vient de le confirmer. Une femme se croit moderne en s'habillant conformément au souhait de l'homme. Et l'homme n'aime pas tout ce qui n'en finit pas de se déployer, c'est connu. "Oh vraiment, t'en as fait des obsédés !"


Il serait également intéressant de former des commissions sur le voile des bonnes soeurs en leur rappelant que tout ça c'est de la farce, le turban des sikhs pour examiner ses répercussions sur l'hygiène publique (d'ailleurs il faudrait auditionner aussi le Premier ministre indien), le kesa des bouddhistes (le Dalaï lama est souvent en France, ça tombe bien), le kimono des japonaises, histoire de savoir si ce n'est pas difficile à porter et donc constitutif d'une discrimination. Ou encore demander aux Juifs de bien nous expliquer à quoi sert leurs papillotes et pourquoi les femmes portent des perruques. Il faudrait également incriminer le refus de transfusion sanguine, c'est pire que l'asservissement, c'est la mort assurée; atteinte à la dignité humaine. Et il faut s'interroger sur les boubous aussi, on s'y perd. Et former une commission pour discuter des livres religieux, enfin; histoire de les purger, certaines références ne siéent plus à l'air du temps... "N'importe quoi, qu'est-ce que tu racontes ! Tu mélanges tout !".


Et l'on continue de mélanger la laïcité à cette affaire alors qu'elle n'y est pour rien; même Jean Baubérot le dit, un Pape en la matière : "C’est moins un problème de laïcité que de sécularisation". Je continue à le clamer : ceux qui défendent âprement la laïcité ne le font que par couardise; ils détestent les religions, c'est tout. Or, ils peuvent invoquer d'autres notions; comme celle de l'intolérance, par exemple... Si seulement ils étaient un brin instruits... L'on n'arrive toujours pas à comprendre que rien n'interdit de se documenter avant de donner un avis. D'autres sont plus sincères; ils parlent d' "image de l'islam". Un travers de plus; comme si le musulman devait toujours se faire "bien voir" des autres; de nos hôtes, disons le mot. D'autres encore (évidemment s'agissant de l'islam, tout le monde s'empresse de chiper un micro pour s'exprimer) parlent de la pratique de l'excision et rappelle ainsi que la République peut ne pas tout respecter; burqa et excision dans le même sac. Et celui qui défend cet argument croit dire des choses d'importance... Le problème fondamental, c'est que les anti-religieux ont dévoyé le terme de laïcité; et actuellement, ils se disent prêts à défendre une République qu'eux seuls, en réalité, menacent avec leur délire obsidional. Point besoin d'être sociologue : interroger un "laïc" et demander ce qu'il pense des religions. C'est édifiant. Alors que la laïcité devrait être avant tout, la rose des démocrates...


La méthode est nulle; quel pourrait bien être le résultat d'une telle enquête ? "Allez, on interdit les burqas, enlève-moi ça, petite coquine","non, liberté religieuse !", "mince alors, celle-là la porte pour des raisons religieuses, allons demander à l'autre là-bas, elle a l'air d'être par trop soumise, allez viens"... Ca serait drôle, en réalité : "Bonjour Madame, police, nous aimerions savoir si votre mari vous oblige à porter ce voile, auquel cas la République va vous libérer, d'ailleurs, je vais vous étreindre, allez"...


Pour ma part, j'ai toujours pensé que la lutte contre les excès devait se situer au niveau de la jugeote; par le biais des instances religieuses (à elles de persuader) ou par le biais judiciaire, c'est-à-dire au pénal. Par la répression donc et non par la prévention qui, comme on le sait, amalgame et met tout le monde dans le même sac. Un peu de doigté serait le bienvenu, en somme. Et il faut se débarrasser de cette passion française : vouloir diriger les esprits. Notre religion civile. Mon credo : chacun son mode de vie. "Vas-y Obama, répète, for God's sake".