On peut donc pleurer; c'est officiel, il est bien mort. Omar Bongo. Ni banalement décédé sur un champ de riz comme Lansana Conté ni vulgairement assassiné comme Joao Bernardo Vieira. Dans un hôpital, à la française. Mais ni en France ni seul. En Espagne et en compagnie de sa fille énarque. Sa femme était déjà partie en mars dernier. Officiellement, il était en deuil. Et son beau-père, le Président congolais, n'a jamais pu le consoler. C'est connu, celui qui souffre d'un cancer doit toujours être choyé; tristesse, stress, mauvaise humeur doivent être bannis. Et la justice française était à ses trousses, peine supplémentaire, évidemment. Il n'a pas résisté...
Un dictateur, nous disaient certains. Musulman, par-dessus le marché. Deux termes qui riment déjà à merveille. La longévité et la richesse sont les deux références pour taxer un dirigeant de dictateur, comme on le sait. Ca tombe bien, Omar aimait l'argent, aussi. Et il avait de quoi, son pays regorgeant de ressources naturelles. Mais ses compatriotes n'ont jamais pu esquisser un sourire. Le Chef empilait immeubles, voitures et autre tralala. Il s'est bien rempli les poches dans ce bas-monde. Mais lui, savait : "abracadabrantesque ! Foutaise ! Mensonge ! Les chiens aboient, la caravane passe"...
La justice française avait pourtant accepté de regarder de plus près ces "biens mal acquis"; il était fâché, évidemment. Il est connu, pourtant, ici; dans les milieux diplomatiques et politiques. L'on se devait de l'aimer. Quarante ans au pouvoir, il avait côtoyé tous nos Présidents et adorait les secrets d'Etat, nous dit-on; il les compilait, au cas où... Heureusement qu'il n'est pas mort en France, cela dit, on aurait pu croire à une liquidation. Elhamdulillah. Le "chauffeur" de l'Afrique, notre Président contempteur de la "Françafrique" comme on le devine, a déclaré sa tristesse, évidemment; "c'était un pote, on le pleure !".
Au bercail, pas le temps de pleurer; les enfants de dictateurs n'ont pas droit à un deuil normal. Il faut se moucher en mouchant les vautours cabochards. Pas le temps d'avoir un colloque avec son traversin, dans ces contrées; c'est comme dans l'empire ottoman, il faut foncer le premier. La difficile transition; la Présidente du Sénat veut croire à son destin, Constitution en main, mais personne ne sait ce que c'est; "de quoi elle parle ?", "bah de la loi fondamentale qui dit que l'intérim est assuré par...", "ça va, ça va ! Enterrez-la avec mon père !" Le fils a déjà fermé les frontières; ça tombe bien, il est ministre de la défense...
Bon bah, il fallait bien mourir; c'est fait. Et ironie du sort, Eva Joly triomphait à l'élection européenne; déçue, évidemment, de ne pas le voir traduit en justice. Elle ne devrait pas trop s'en faire, en vérité; un autre grand procès l'attend, là-bas. "C'est vrai ?", "bah oui, mon ami, la justice transperce toujours les tombes ! A quoi bon vivre heureux dans ce monde si les cris de ceux qui ont subi une injustice ne vont pas au-delà du dôme céleste !", "bah, j'chai pas moi, on m'a toujours dit que l'enfer, c'était les autres"... Un Tribunal sans recours; avec des dossiers plein les charrettes. Mais présomption d'innocence, bien sûr...