mercredi 17 juin 2009

Pataugis

C'était son tour; on l'attendait tellement, "Bibi". Il devait dire des choses, une sorte de réponse au faux grand discours d'Obama. Il devait rassurer, proposer, impulser. Il devait changer, nous disaient les officiels américains. Dire des choses plus sensées. Oublier un instant Lieberman, son ministre des affaires étrangères. Il fait peur Lieberman, il vient d'enterrer sa plus grande promesse de campagne, le mariage civil. Et il n'a pas rougi, évidemment. "Arrête de broncher !"


Un faux grand discours. Mieux, une farce. "Oui, nous vous aimons, chers Palestiniens ! Oui à l'Etat palestinien !", "p'tain, t'as vu comme il parle ! Bravo ! En plus, il ne bégaie pas, c'est donc possible de vouloir la paix !". Eh oui, d'ailleurs il l'a reconnu, aucun Israélien ne pourrait être partisan de la guerre. En avant vers la paix, donc.

Bien sûr, l'administration américaine qui s'est empressée de publier un communiqué, était aux anges, "c'est très bien, bonne nouvelle". Et Livni aussi est contente, "ah ouais alors, quel discours! " Et l'Européen aussi ne fait pas trop de grimaces, "acceptable"; seuls les Palestiniens et les Arabes sont contre; autrement dit, ceux qui sont les plus concernés...

Mais Bibi est intelligent; en réalité, c'est toujours avantageux d'être contestataire : à la première occasion où vous lâchez du lest, vous êtes immédiatement applaudi, personne n'osant rappeler que la promesse que vous venez de faire était une question sur laquelle on était déjà d'accord... Le problème est que dans ce conflit, on parle toujours de nouveaux départs. La vitesse de croisière n'existe pas; la subtilité de Benjamin, c'est d'avoir fait un immense bond en arrière. Et chaque petit saut qu'il effectue est perçu comme un "nouveau pas dans la résolution du problème".

Du pipo, disent certains. En clair : oui à un Etat qui n'a rien de défini; ni sa population (où vont les réfugiés ?), ni ses frontières (celles de 1967 ? et où vont s'arrêter les colonisations ?), ni sa capitale (Jérusalem ?). Et en prime, pas d'armée, "t'inquiètes petit, nous saurons vous défendre contre nous-mêmes !". Pour un Etat incapable de contenir ses colons, c'est une promesse... Un "foutage de gueule" disent les plus grossiers; mais seulement eux. Je déteste les grossiers...

Et les colonisations continuent : à Jérusalem-Est et en Cisjordanie; ça tombe bien, ça permet de raccorder ces deux bouts pour absorber toute la ville de Jérusalem. Et comme les colons sont en général les plus féroces, les plus bornés car les plus nationalistes, personne n'envisage de solution. "Ah non alors ! Comment veux-tu que je les déloge ? J'ai fait tant d'investissements, moi : infrastructures, électricité, eau, téléphone, etc., quid de ces dépenses ! Soyez sensés à la fin !", "bah, excusez-nous, on dérange, c'est vrai..." Un proverbe turc dit : "yavuz hırsız evsahibini bastırır", "un voleur doué est celui qui parvient à faire arrêter le propriétaire". Un art, assurément. "C'est à nous, nanik, c'est écrit dans la Bible, allez, allez..."

Et il veut aussi définir Israël comme Etat juif; quid des 1,5 millions d'Arabes musulmans et chrétiens ? "o bah ça va hein ! j'en ai marre de proposer des solutions, à vous un peu !" Mahmoud Abbas en a trouvé une pour les réfugiés de 1948 : réinjecter ces âmes errantes dans leur terre ancestrale, en Israël donc. Comme ça on n'est pas sorti de l'auberge. Un peu comme les Chypriotes grecs qui affluent vers la Cour européenne; et ils obtiennent gain de cause.

Et il fait appel aux Arabes, aussi Nétanyahou : "aimez-nous ! Reconnaissez-nous ! Je suis prêt à vous rencontrer pour papoter, appelez-moi, je viens !", "c'est ça !"... Ca s'appelle un processus de paix, officiellement. Il faut négocier, se disputer, se bouder pendant quelques jours, reprendre les discussions, etc. L'on discute, en général. L'autre veut simplement visiter les Arabes; pour boire du thé, peut-être. Des sémites, tout ça, des cousins quoi, c'est normal après tout.

Autre mauvaise nouvelle : Ahmadinejad s'accroche; avec des racistes, on entame un processus de paix... Peut-être qu'il ne faut pas régler ce problème; heureusement que Bibi n'est pas un responsable palestinien, cela dit, le boycott serait déjà tombé. C'est un élu israélien; "ils ne savent vraiment pas voter ces types, hein ! Ou ils font exprès ?", "je ne sais pas, je ne suis pas antisémite".

Pourtant, ce n'est pas moi qui l'ai dit : "Vous aimerez l'étranger car vous avez été étrangers dans le pays d'Egypte"... Tiens, comment interprète-t-il ce passage Ovadia Yossef, l'océan de sagesse des Juifs ? D'autant plus que ces étrangers ne le sont pas vraiment; un clou de plus... "Bah attend alors, je recompte ", "vas-y vas-y, on n'est plus pressé"...