vendredi 7 mars 2008

Une "belle" guerre, une mauvaise polémique

Depuis quelques jours, le monde politico-militaire turc est en ébullition; les faits sont simples: la coïncidence du retrait de l'armée turque du nord de l'Iraq avec les injonctions de Robert Gates allant dans ce sens. L'armée et le gouvernement ont précisé que ce plan de retrait était déjà arrêté et qu'il n'y a eu aucune influence de Gates.
Les nationalistes et les partis d'opposition pensent le contraire. Il faut dire que le contexte prête à discussion: le retrait s'est fait le lendemain de la visite de Gates. Mais le Chef d'état-major supplie de le croire; l'opposition estime qu'il s'agit d'un retrait commandé par les américains.
L'acmé du problème: l'armée, par une déclaration écrite, a estimé que les propos de l'opposition démoralisaient les soldats et nuisaient plus que les "traîtres"; le mot est lâché. Déchaînement: l'opposition, pour la première fois dans l'histoire, a fustigé l'armée et comble de la singularité, celle-ci s'est retrouvée en train de défendre le gouvernement. Deniz Baykal, leader aguerri de l'opposition social-démocrate nationaliste, a lancé au chef d'état-major: vous n'êtes pas notre interlocuteur; le MHP, parti authentiquement nationaliste, boude (c'est vrai que être taxé de traître, pour un parti nationaliste, c'est quelque peu déstabilisant).
Bref, l'armée se désole: personne parle de notre bravoure, on nous mêle dans la polémique politicienne. Tout le monde demande au chef d'état-major de ne pas prendre la défense du gouvernement et de ne pas s'enferrer dans des prises de position politiques: expliquer la stratégie militaire aurait suffi, point n'est besoin d'apporter de l'eau au moulin du gouvernement. L'opposition voulant critiquer le gouvernement sur un bon plan d'attaque s'est retrouvée rabrouer par l'armée.
Ce qui est marrant, c'est que ceux qui applaudissaisent les interventions politiques du chef d'état-major lors des élections présidentielles ou sur le foulard lui demandent maintenant de la boucler...histoire de les laisser tranquilles dans leur jeu politique. Le chef d'état-major n'a voulu que rétablir une vérité (ça touche quand même à l'honneur de l'armée que de dire qu'elle est à la solde des américains) mais visiblement il a dérangé des calculs politiques.
Il fait bon vivre en Turquie: le cordon ombilical entre le CHP et l'armée est coupé; un petit pas pour le CHP mais un grand pas pour la démocratie turque.