L'on attendait avec impatience la conférence dite "Durban II" sur le racisme. L'on mourait d'impatience. Pas pour connaître les avancées faites en la matière, évidemment; mais pour écouter Ahmadinejad. Pour savoir comment on allait s'indigner. Certains avaient choisi le boycott, d'autres venaient du bout des dents et la majorité, dans le sérieux qui caractérise les esprits simples, venait sincèrement discuter du racisme et des moyens de l'éradiquer.
Les règles du protocole ont, étrangement, mis à l'honneur le Président iranien. L'honneur dû à un Président de la République. Mais l'horreur dû à ses fâcheuses idées restait là, dans l'ombre, prêt à gicler. Il avait bien commencé, pourtant : « Que Dieu salue tous les prophètes que sont Jésus-Christ, Abraham, Moïse, Mahomet, ces avocats de l’amour, de la dignité et de la justice. » Amen. Et il avait rencontré le Secrétaire Ban quelques minutes plus tôt : "écoute, mon grand, arrête de débiter tes conneries ici, d'accord, allez, s'te plaît !", "ok ok je ferai de mon mieux", "merci, t'es un vrai pote". Le discours, dans sa forme écrite, donnait cela : « Après la Deuxième Guerre mondiale, sous prétexte des souffrances des juifs et de la question ambiguë et douteuse de l’holocauste, un groupe de pays puissants a eu recours à l’agression militaire pour faire d’une nation entière une population sans abri ; ils ont envoyé des migrants d’Europe, des États-Unis et d’ailleurs pour établir un gouvernement totalement raciste en Palestine occupée ».
Bien sûr, les Européens, qui ont bataillé dur pour que la liberté d'expression ne subisse aucune érosion dans le texte final, ont été les premiers à décamper. Au nez et à la barbe du Président iranien. Et les chancelleries ont immédiatement publié les textes déjà bien ficelés, criant au scandale et à l'abjection. Non aux propos anti-Israël, donc. La trame commune à ces déclarations. D'accord. Mais personne n'a été capable de présenter clairement ce que Ahmadinejad avait dit. "On s'en fout, il a voulu le dire !" Véridique, personne n'était capable, sur le coup, de savoir ce qui l'indignait. L'on a donc eu droit à des rectifications de la part du service de communication de l'ONU. Un texte écrit ne signifiant pas qu'il soit exprimé tel quel...
Première version : « la question ambiguë et douteuse de l’Holocauste »; deuxième version un jour plus tard : « des abus sur la question de l’Holocauste ». Evidemment, les deux versions sont injustes et reflètent un état d'esprit maladif. Un Ahmadinejad obsédé par cette question. Un grand nombre d'hommes obsédés par cette seule question. Pourquoi diable, ces bouches généreuses restent bées pour les autres souffrances, à commencer par celles qu'elles provoquent elles-mêmes dans leurs propres pays ! Marre qu'une cause juste soit galvaudée et réduite à une revendication revancharde et insincère !
Un "gouvernement raciste" aussi a déplu; jadis, le Turc Tayyip Erdoğan avait été on ne peut plus abrupt : "vous, vous savez très bien, comment on tue des enfants !" Une charge isolée. Alors que celle de l'Iranien est récurrente et probablement pas très pure. "Vas-y sur le fond, il est raciste ou pas du coup, ce gouvernement ?" Euh... Disons que certains israéliens vont jusqu'à qualifier Lieberman de "fasciste"... D'ailleurs, nous disent les spécialistes, le sort des Arabes israéliens n'est pas très reluisant : un Lieberman qui veut les bouter hors d'Israël, un Netanyahou qui les presse de reconnaître qu'Israël est un "Etat juif", des discriminations dans les salaires, les logements, les expropriations, etc. "Mais ce n'est pas moi qui le dis, hein, c'est leur propre Cour suprême, ne croyez pas que je suis antisémite ni antisioniste ni anti-Israël".
Tout est mal qui finit bien. La Déclaration finale a été adoptée par consensus, a-t-on appris. "C'est une grosse claque à la fasse d'Ahmadinejad" s'est réjouie la Haute Commissaire aux droits de l'Homme. L'on est d'autant plus ravi qu'il n'y a plus aucune référence à la diffamation des religions demandée à cor et à cri (et à tort) par l'OCI, ni aux actes répréhensibles d'Israël, ni aux réparations relatives au colonialisme, ni aux homosexuels, ni à l'égalité entre les sexes. En somme, on a fait du surplace, ce qui est déjà considéré comme une grande avancée. Au moins, on n'a pas régressé. Comme le disait je ne sais plus qui, "dorénavant, on fera comme d'habitude"...