vendredi 8 février 2008

Lorsque le bonheur des peuples fait leur infortune

Je m'interroge souvent sur le peuple russe lorsque la presse (occidentale s'entend) dénonce le sort du duo Khodorkovsky-Alexanian. Je m'arrache les quelques cressons qui me restent lorsqu'un peuple, si grand soit-il, est si neutralisé. Un peuple-marbre.
Nilüfer Göle parle du paradoxe de la démocratie turque; plus la Turquie se démocratise, plus le principe de laïcité retrouve son sens authentique (liberté de conscience) et plus l'Armée se lance dans les manoeuvres pour restaurer "sa" définition. Résultat: un pas en avant, deux pas en arrière. Le paramètre "peuple" est hors réflexion. C'est la même chose pour la Russie: les Russes et les Turcs sont des peuples inhibés (malgré les manifestations monstres des défenseurs de la laïcité en Turquie, le peuple turc est relativement docile; mais pas servile).
On peut lire dans La Chronique d'Amnesty International (février 2008 n°255, p.13) que "la corrélation meilleur niveau de vie-autoritarisme s'impose en Russie". Ils sont comme ça les Russes: bouchées et raclées vont de pair. L'estomac et le porte-feuille garnis, la cervelle s'engourdit. Jadis, Anna Politkovskaïa dénonçait le "mutisme" de ses compatriotes.
Rien n'est stable. On mise donc sur le silence du peuple. Ca marche à merveille chez les Russes. Nous, les esprits occidentalisés, nous ne sommes jamais rassasiés. Plus on est riches, plus on vote ailleurs. Ils ont peut-être raison les Russes; plus ils sont riches, plus ils votent pour l'autoritarisme. Il faut dire qu'ils n'ont pas l'habitude d'être libres, de l'empire à l'autoritarisme en passant par le bolchévisme. Ils préfèrent la stabilité aux rêveries comme il est de coutume dans cette région.
C'est connu, rien n'est plus sûr qu'un régime autoritaire...