Le monde universitaire turc est en colère; une partie des profs fronde la tentative de rendre les campus plus libéraux; d'autres universitaires font circuler une pétition demandant la levée de l'interdiction du voile.
La famille Nesin se divise; les rejetons du grand Aziz Nesin s'excommunient mutuellement; l'un défend les mesures anti-voiles, l'autre veut plus de libertés.
Les théologiens se crêpent la calotte; certains redécouvrent le Coran et ses versets sur le voile (ou plutôt sur le non-voile), d'autres invoquent une pratique de 1400 ans.
Les journalistes osent diverger sur la question de la laïcité; Cumhuriyet et compagnie pourfendent, Yeni Safak et autres jubilent.
Les juristes s'excitent; toute cette bagarre va se terminer devant les juges constitutionnels, ceux qui avaient si éhontément mal lu la Constitution, jadis (cf. affaire du "367").
Certains parlent de droit, de liberté, d'ouverture, de pluralisme, d'autres invoquent Atatürk, la modernité, l'idéologie: "Söz konusu vatansa, gerisi teferruattir".
Je le dis toujours, lorsque la démocratie pleure en Turquie, les républicains ricanent. Lorsque la République feint la syncope, on punit la démocratie comme si le malheur du premier était directement lié à l'épanouissement de l'autre.
Ceux qui veulent déchirer le voile sont dans leur grande majorité ceux qui voilent leurs intentions; un combat pour la laïcité devient un combat contre les libertés. Et cela s'appelle presque du fascisme... Les Lumières turques descendent d'où ?