mercredi 23 avril 2008

Effronterie

Une journaliste de renom avait affirmé que lors du contentieux constitutionnel relatif à l'élection du Président de la République turque, l'armée avait fait pression sur les juges pour qu'ils lisent, exceptionnellement, le code militaire à la place de la Constitution, et que ces derniers avaient rétorqué: "mais comment pourrions-nous expliquer cette décision à nos petits-enfants ?" S'expliquer devant l'histoire aurait suffi, mais bon passons. Un registre étranger.
L'amiral et la présidente de la Cour constitutionnelle ont démenti cette nouvelle. Pas immédiatement. Une semaine après. Très rare pour l'état-major. L'amiral en retraite a même feint la rigolade: "Un coup d'Etat ne se fait pas tambour battant, il y a un code à respecter". Alors que les journalistes s'interrogeaient seulement sur cette pression, l'officier leur a donné des leçons de "putschment". Personne ne s'en est offusqué; les militaires turques sont rodés dans ce domaine.
Il fut un temps où tout le monde (le monde de l'extérieur s'entend) se demandait comment faisait l'ancien putschiste Kenan Evren ("Chef de l'Etat" de 1980 à 1982 et "Président de la République" de 1982 à 1989) pour se promener tranquillement dans les rues à cet âge (plus de 90 ans) mais surtout avec ce passé. Respecté en plus; titre d'ancien président oblige. C'est que les militaires ne craignent jamais rien en Turquie. Les lois sont suspendues lors de leur passage. On les respecte. Beaucoup à mon goût.
Lorsque la justice a saisi le disque dur de l'ancien chef d'état-major de la marine qui recelait, nous dit-on, des énormités, le juge s'en est presque excusé... Les journalistes font tout pour oublier dans ces cas-là. Certains s'offusquent, se dressent, contestent mais rien ne change. L'état-major se mure dans le silence. C'est l'avantage, au moins, on ne les entend pas. Ils le savent: si le général en chef Yasar Büyükanit prend la parole, il a peur que ça dérape. Alors que les journalistes turcs sont polis. C'est connu.
Les relents stratocratiques envahissent le nez de tous les démocrates; certains républicains s'en émeuvent... Mais l'arôme ne pue pas ? Changez de nez !