lundi 7 avril 2008

L'opposition politique

Bien sûr, une démocratie sans opposition, c'est comme une "montagne sans crevasses"; elle a un intérêt limité. J'aime bien les opposants; ils m'orientent dans ma réflexion. Ils font leur "boulot": critiquer. Sans proposer. A tout va. A chaque instant. Pour un oui, pour un non, comme on dit. L'objectif: dessiller les yeux aux électeurs qui ont dû se tromper dans les dernières échéances pour remporter la prochaine bataille.

Il est donc normal qu'elle publie un programme alternatif; si elle a le temps d'en former un. On a eu, en France, une invraisemblance dans ce domaine: les socialistes n'auraient pas eu de programme pour les deux élections; simplement des réponses au programme de l'autre. Une sorte de complexe. Je les considère beaucoup ces gens qui arrivent à mener un débat selon leurs propres conditions et dans leurs sujets de préoccupation. Une supériorité quasi avouée par l'opposition.

L'opposition rêve d'une chose: prendre le pouvoir. C'est une lapalissade. En Turquie, pays de pas mal d'absurdités, l'erreur de cette lapalissade est elle-même une lapalissade. L'objectif du CHP (parti soi-disant de gauche, fondé par Mustafa Kemal) est de se maintenir sur la scène politique depuis sa chute en 1950. Deniz Baykal, son leader éternel, n'a jamais eu d'ambition, sinon celle de rester à la tête de son parti. Depuis 40 ans, il est dans l'opposition. C'est le seul homme politique turc d'envergure qui n'ait jamais été Premier Ministre. Son but: provoquer les gouvernements successifs, émoustiller les ardeurs putschistes et invoquer le risque dans lequel se trouve(rait) le "régime", terme chéri du CHP; défendre le régime. Contre qui ? leur demande-t-on. Contre le peuple, nous disent-ils, tout beaux qu'ils sont. Comment ? Tous les moyens sont bons.

Ils se gargarisaient d'être "le" parti d'Atatürk. Ils ne réfléchissent pas trop; si on leur demande: comment se fait-il que "le" parti d'Atatürk est boudé par le peuple ? Ils balbutient. Ils ont oublié de rappeler que le nom du parti est celui d'Atatürk, pas sa doctrine. L'illustre Sauveur éternel n'a jamais été de gauche. Un peuple qui n'aimerait pas son héros ? Impensable ! Le Turkménistan pleure toujours le "Türkmenbasi". Le CHP attend que le peuple turc lui jette enfin le mouchoir.

En réalité, il faut dissoudre les partis; s'ils ne font rien ensemble, si la majorité passe ses projets de loi "parmak hesabi" comme on dit en turc (la levée machinale de mains) et si l'opposition reste atone sur le plan législatif (sans doute pour ne pas donner de bonnes idées aux gouvernants, ils n'auront plus rien à proposer du coup), il faut repenser le système. Il faut des électrons libres; comme sous la III è République. Pas de carcan structurel.

Il faut offrir le Premier ministère à Deniz Baykal; il n'a jamais goûté au gouvernement du pays. Ne connaissant rien aux affaires politiques de haut niveau, il excelle dans la dénonciation systématique. A la limite, la dénonciation est bien quand elle est inaudible, quand elle vient d'un parti marginal d'extrême-droite ou d'extrême-gauche mais lorsqu'elle est le programme du "parti d'Atatürk", il faut craindre pour la santé de la démocratie.

"Taçlanan bas akillanir" disent les Turcs, "la tête qui ceint la couronne devient plus réaliste". Il est temps de nommer Deniz Baykal, Premier Ministre; la méthode passe ensuite, tous les moyens sont bons lorsqu'il y va de l'avenir de la République. Une République sans démocratie, un rêve, un souhait, un fantasme. Une "chose du pouvoir éternel", la Res Aeternae Potestatis. Le "pouvoir éternel", cette clique composée des hauts fonctionnaires, militaires, laïcistes, journalistes putschistes,etc.

Iktidar(celui qui est au pouvoir) ou Muktedir(celui qui a la puissance) , c'est là la question...